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Les NOH, maladies mitochondriales

Dernière modification le : 29 août 2019 à 18:09

Les Neuropathies Optiques Héréditaires (NOH) sont des maladies mitochondriales. Monsieur Rustin , directeur de recherche au CNRS et membre de notre comité médico-scientifique, vous propose d’en savoir plus.

Les Mitochondries

Les mitochondries : Qu’est-ce que c’est ? D’où viennent-elles ? Qu’est-ce qu’elles font ? Que ce passe t’il quand elles marchent mal ?

Pour comprendre et combattre les maladies mitochondriales, il faudrait sans doute avoir les réponses à toutes ces questions, et nous sommes encore loin de pouvoir répondre solidement à toutes. A travers un petit voyage à travers le temps et les espèces, on découvre l’incroyable complexité et l’importance majeure des fonctions mitochondriales dans tous les organismes vivant sur terre, y compris l’homme…

Les mitochondries,  qu’est-ce que c’est ?

Cette question, c’est sans doute la plus simple… avec l’aide de quelques informations. Le corps humain est composé d’environ 10 000 milliards de cellules, dont la taille varie de plusieurs dizaines de cm (par ex les longues cellules nerveuses dont les prolongements descendent dans la colonne vertébrale et relient le cerveau aux muscles des jambes ; pour la girafe, on aura des… cellules de plusieurs mètres !)  à juste un peu plus d’une dizaine de microns (un micron = 1 millimètre divisé par mille) par exemple dans le cas des cellules du sang. Quelque soit leur taille, leur forme, il faut imaginer ces cellules comme un sac fermé, avec une membrane externe entourant une matière semi-fluide, mais organisée, dans laquelle baigne en particulier le noyau qui contient les chromosomes qui portent la plus grande partie de l’information génétique. C’est dans le sac, qu’outre le noyau, se trouvent les mitochondries, dont le nom vient du grec mitos (fil) et chondros (grain), nom qui rappelle leur forme de grain plus ou moins allongé. Les mitochondries mesurent de 1 à quelques microns, mais sont éventuellement reliées entre elles, formant alors une sorte de réseau. Leur nombre varie considérablement selon le type de cellule considérée : cellules de la peau, quelques centaines ; cellules du foie, plusieurs dizaines de milliers ; ovocyte (cellule sexuelle femelle qui aprèsfécondation par un spermatozoïde est à l’origine de l’œuf), plusieurs centaines de milliers. Cet aspect quantitatif suffit à établir l’importance des mitochondries. Qui sait qu’à t=0, juste à la fécondation, un être humain potentiel est constitué pour près de 40% de sa substance (quasiment la moitié !)  par des mitochondries (Fig. 1). Un dernier chiffre à connaître, pour fabriquer, faire fonctionner et entretenir les mitochondries d’une cellule, il faut chez l’homme la participation de 1 500 à 2 000 gènes contenus dans le noyau (sur les 25-30 000 gènes répartis sur les 46 chromosomes de l’homme, pas loin de 10% des gènes chez l’homme !) et de 37 gènes portés par l’ADN mitochondrial.

Les mitochondries, d’où elles viennent ?

Il faut remonter loin dans le temps, environ 2 milliards d’années, pour entrevoir leur origine. Mais avant, il faut comprendre les besoins d’une cellule. Pour exister, proliférer, agir, une cellule a besoin d’énergie et toute l’énergie accessible provient de ce que la cellule absorbe : essayer de vivre sans manger… Après absorption, les aliments sont cassés en petits fragments et cette opération libère de l’énergie que la cellule se doit de récupérer au mieux. L’oxygène étant apparu sur terre, il existait à coté des cellules primitives initiales (sans mitochondries), des bactéries qui savaient utiliser l’oxygène pour casser (=brûler) leurs aliments et récupérer très efficacement l’énergie, c’est-à-dire sans en perdre trop sous forme de chaleur.

Autrement, les mitochondries, les vôtres, les miennes, elles viennent de nos mères, car celles du père sont détruites lors de la fécondation de l’ovocyte (cellule femelle) par le spermatozoïde (cellule mâle). Du coup, on hérite de sa mère les 37 gènes  spécifiquement contenu dans les mitochondries. Rappelons qu’il en faut encore 1 500 qui présents dans le noyau, mais provenant cette fois des deux parents, pour avoir des mitochondries fonctionnelles.Cellules primitives initiales et bactéries ont finalement mis en commun leurs avantages respectifs : un milieu humide relativement protégé offert par la cellule, et, apportée par les bactéries, une machinerie géniale pour utiliser l’oxygène et récupérer l’énergie. Ainsi ces bactéries sont passées avec armes et bagages dans les cellules, y donnant ce que l’on appelle les mitochondries (Fig. 2). Ces bactéries ont apporté leur propre matériel génétique dont une partie est très progressivement passée dans le noyau des cellules ; ce qu’il en reste constitue désormais l’ADN mitochondrial. De façon très voisines, toujours pour répondre à des besoins en énergie, certaines cellules ont intégré un peu plus tard, il y a environ 1,5 milliard d’années, des bactéries qui étaient elles capables de récupérer l’énergie lumineuse provenant du soleil (bactéries photosynthétiques). Cette association a donné la cellule telle que nous la connaissons chez les végétaux, qui à coté des mitochondries, possèdent les chloroplastes qui dérivent des bactéries photosynthétiques, dont le pigment vert (la chlorophylle qui capte la lumière) donne leur couleur verte aux plantes.

Les mitochondries, qu’est-ce qu’elles font ?

L’origine des mitochondries éclaire en réalité leur fonction : depuis l’origine, elles aident les cellules à s’adapter à leur milieu. Etres unicellulaires, végétaux, animaux, tous possèdent des mitochondries qui ont évoluées, cette fois dans les cellules, pour répondre toujours mieux à cette demande. Du coup, si ces mitochondries marchent toute selon un même schéma central, elles sont aussi toutes différentes. Ainsi, dans la plupart des cas, la cellule utilisera la capacité des mitochondries à récupérer, avec un rendement inégalé, l’énergie venant des aliments. Cette énergie est « mise en boite » sous forme d’ATP (Adénosine Triphosphate). Ce composé concentre l’énergie dans des liaisons chimiques particulières, liaisons qui seront ensuite cassées pour libérer l’énergie à la demande, quand et où la cellule en aura besoin. Le système est vraiment actif : un être humain fabrique et utilise le même jour plus de… 50 kg d’ATP !

Dans d’autres situations, la cellule utilisera la capacité des mitochondries à brûler les aliments cette fois pour libérer l’énergie sous forme de chaleur. En dehors de considération liées aux dégagements d’énergie (ATP ou chaleur), les cellules peuvent utiliser les mitochondries pour la transformation ou la fabrication de très nombreuses substances. Ou encore, les mitochondries peuvent être utilisées pour stocker temporairement des substances permettant d’en contrôler le niveau dans la cellule. Plus fort encore, les mitochondries sont capables d’envoyer des signaux pour induire la multiplication des cellules, ou au contraire pour conduire les cellules à s’autodétruire.  On le voit ainsi les mitochondries sont des éléments clefs dans un nombre incroyable d’aspects de la vie cellulaire.

Le dernier point important à mentionner est lié au fait que, comme un feu de bois qui a besoin d’oxygène, brûler les aliments dans une mitochondrie nécessite de l’oxygène. Et de fait, les mitochondries utilisent pour brûler les aliments au profit de l’organisme une grande part de l’oxygène que celui-ci absorbe. Mais cette manipulation est tout à fait dangereuse. En effet, si cette manipulation se passe mal, comme dans un circuit électrique qui fuit, se produiront des court-circuit qui feront que l’oxygène au lieu d’être réduit en eau, sera réduit en substances instables, très réactives et toxiques, les fameux radicaux libres.

… elles dorment

Dans de très nombreuses situations, seule une toute petite partie des capacités des mitochondries est mise à contribution. C’est le cas dans les muscles au repos, ou dans les cellules du cerveau lorsque celui-ci tourne au ralenti. Et puis il y a dans la nature des cas extrêmes. Prenez une pomme de terre l’hiver dans un champ … A cette saison là, elle ne respire quasiment pas, et de fait ne consomme donc presque pas d’oxygène. Si à ce moment là, vous isolez et étudiez les mitochondries de cette pomme de terre, c’est calme plat, tout le monde semble dormir… Les mitochondries de ces pommes de terre à ce moment là, ont perdu une grande partie des facteurs nécessaires à leur fonctionnement. Mais elles sont toujours là, et repartent au quart de tour si on leur redonne ces facteurs.

… elles se réveillent

Et puis tous les jours, elles se mettent au travail : on mange c’est elles qui consomment et travaillent à extraire l’énergie de la nourriture (quand on ne stocke pas celle-ci dans le gras…) On est en retard : on court, c’est encore elles qui sont sollicitées. Et plus on court, plus on a d’activité physique, plus les mitochondries des muscles vont se multiplier pour faire face à la demande… On connaît désormais une partie des mécanismes qui contrôlent l’activité et la fabrication des mitochondries. Il existe en effet dans les cellules, une série de composés qui interprètent des informations externes (en particulier le type d’aliment que les cellules absorbent, la demande de l’organisme en ATP, etc.) pour organiser la multiplication des mitochondries ou en contrôler l’activité.

Chez les plantes, qui ne bougent pourtant pas vraiment, les mitochondries dorment et se réveillent aussi chaque jour. Prenez une plante comme le Kalanchoe que l’on trouve chez nos fleuristes et qui peut vivre dans le désert, son problème à elle c’est la sécheresse. Alors le jour elle ferme toutes les portes (pour une plante, on dit les stomates : des pores qui à la surface des feuilles permettent aux gaz d’entrer dans les plantes) pour éviter de perdre de l’eau et de se dessécher… Et pourtant, c’est durant le jour que le soleil est là pour permettre aux feuilles des plantes de fixer du CO2 pour fabriquer les sucres qu’elles contiennent (ce que l’on appelle la photosynthèse). Mais comme les portes  sont fermées, le CO2 ne peut pas provenir de l’air. Alors le CO2 est produit dedans, et ce sont les mitochondries qui tous les matins sont mises à contribution et vont en « respirant », dégager du CO2 pour permettre la photosynthèse. Puis la journée avançant, la respiration diminuera pour atteindre un minimum la nuit.

… elles s’affolent

Dans la nature, il y a des moments particuliers où les mitochondries semblent devenir folles. Ainsi, chez certaines espèces de plantes, il faut désespérément attirer des insectes pour assurer la pollinisation des fleurs. Le moyen : sentir, sentir, et sentir fort… et le mieux pour cela, c’est de brûler tout ce que l’on a en réserve : les sucres, les graisses, les protéines… C’est ce qui ce passe dans la partie stérile des fleurs des plantes de la famille des Aracées. Au tout début du printemps en France, on peut voir – s’il reste un peu de neige – que tout autours de nos fleurs d’Arum, la neige a fondu. Pas étonnant car pendant quelques heures, la petite massue stérile qui domine la plante est à 50°C ! Et dans cette partie stérile, les mitochondries sont au travail, brûlant tout ce qui leur passe sous la dent en dégageant un maximum de chaleur et d’odeurs : après quelques heures, il ne reste plus rien du contenu de cette partie stérile, tout a brûlé. Mais avant cela, les mouchent attirée par l’odeur viennent féconder la fleur et le tour est joué… grâce aux mitochondries.

… elles tombent malades

Elles nous chauffent, elles nous donnent l’énergie permettant à toutes nos cellules, à tous nos organes, d’être actifs, alors on comprend que quand elles ne marchent pas bien, on puisse être malade ! Et comme des mitochondries, il y en a dans quasiment toutes les cellules du corps, dans tous les organes, les maladies mitochondriales sont extrêmement diverses. D’ailleurs, on n’arrête pas d’en identifier de nouvelles. Ces maladies sont toutes différentes, mais elles partagent toutes un point commun : quelque chose ne fonctionne pas dans certaines mitochondries, ou plutôt souvent plus assez. Ces maladies sont en effet souvent progressives et parfois ne se révèlent que très tardivement.

De ce point de vue, la maladie humaine la plus fréquente chez l’homme est sans contexte… la vieillesse, avec comme caractéristique majeure et constante, quoique variable selon les individus, une perte progressive de la capacité à produire et utiliser l’énergie. On comprend tout de suite, que l’état des mitochondries, qui justement sont essentielles dans la production d’énergie, va jouer un rôle important dans le vieillissement, et qu’inversement l’âge va intervenir dans le développement et la révélation de nombreuses maladies mitochondriales. D’ailleurs les maladies les plus fréquentes intervenant avec l’âge font intervenir à un moment donné une baisse des activités mitochondriales, soit de façon primaire – certaines formes de maladie de Parkinson -, soit de façon secondaire, mais sans doute déterminante – maladie d’Alzheimer et un grand nombre de maladies neuro- dégénératives.

Pour finir cette présentation très générale des mitochondries, en termes (espérons-le…) compréhensibles, voici une dernière image qui résume l’immense variété des maladies mitochondriales, variété qui fait sans aucun doute écho à la complexité de leur fonctionnement.

Laboratoire « Pathophysiologie et Thérapie des Maladies Mitochondriales »,Pierre Rustin, Directeur de Recherches au CNRS,

Inserm U676, Hôpital Robert Debré, 48, Boulevard Sérurier, Paris 75019.

Petite auto-biographie du Professeur Rustin:

« Pour mes études, j’ai fréquenté l’Université Pierre et Marie Curie (Paris) où je me suis spécialisé en physiologie végétale (superviseur, le professeur Claude Lance) et j’ai été recruté pour un poste permanent au CNRS. J’ai passé l’année suivante en tant que chercheur post-doctoral dans le laboratoire de Mariage Randolph à l’Université de Californie Riverside (USA). Puis, j’ai rejoint un groupe de recherche dans l’hôpital Necker (Paris, le professeur Arnold Munnich) à développer et utiliser les méthodes pour étudier les carences de la chaîne respiratoire chez l’humain. Je suis actuellement responsable d’une équipe de recherche à l’Unité Inserm 676 (Dir Pierre Gressens, Université Denis Diderot) à l’Hôpital Robert Debré. »


Parmi les maladies mitochondriales, nous retrouvons la NOH de Leber et la maladie de Kjer, les 2 principales pathologies contre lesquelles nous luttons.