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Les NOH

Dernière modification le : 7 avril 2021 à 14:56

NOH (Neuropathies Optiques Héréditaires)

INCIDENCES DE CES PATHOLOGIES par Guy Lenaers , Directeur de recherche, groupe « Neuropathies Optiques Héréditaires et Déficits Mitochondriaux » , CHU de Montpellier

 Incidences de ces pathologies

Dans les NOH :
–  la rétine est entièrement fonctionnelle : l’électrorétinogramme (E.R.G.) est normal.
– les Potentiels Evoqués Visuels (P.E.V.) sont effondrés, traduisant la perturbation de la fonctionnalité du nerf optique.

Ceci se traduit pour l’ophtalmologue par une pâleur de la papille à l’émergence du nerf optique, signant l’atteinte des neurones dont les axones forment le nerf optique.

Le champ visuel central est principalement touché.

Il existe aussi une perturbation de la vision des couleurs dans l’axe rouge-vert pour le LHON (NOH de Leber) ou bleu-jaune pour les AOD (Atrophies Optiques Dominantes).

Les NOH par le Docteur Orssaud, neuro-ophtalmologue aux hôpitaux Pompidou et Necker, Paris

Docteur orssaud

I- Structure du nerf optique et conséquences sur la vision des patients porteurs de neuropathie optique de Leber ou de maladie de Kjer :

1- Structure du nerf optique :

De part sa structure, le nerf optique ne peut pas et ne doit pas être comparé à simple un câble électrique. Il est plus proche d’un « câble péritel » puisqu’il comporte plusieurs types de neurones, véhiculant chacun des informations différentes concernant la scène visuelle observée. Ces informations sont aussi différentes que la notion de forme, de couleur, de mouvement mais aussi l’acuité visuelle fine. Enfin, il ne faut pas oublier qu’il existe une répartition topographique des fibres optiques dans le nerf optique, correspondant à la position relative des photorécepteurs les uns par rapport aux autres dans la rétine. Ainsi, à l’altération d’un contingent donné de fibres du nerf optique correspond la perte d’une capacité de détection bien particulière. De plus, ces neurones n’ont pas tous la même destination au niveau du corps genouillé latéral et au-delà au niveau du cortex occipital. C’est la raison pour laquelle il n’est pas possible de remplacer le nerf optique en l’état actuel de nos connaissances.

2- Atteinte des fibres de petit calibre :

Lors de la neuropathie optique de Leber ou dans la neuropathie optique dominante, toutes les fibres du nerf optique ne sont pas touchées de manière identique. L’atteinte fonctionnelle porte majoritairement, au moins au début, sur les fibres P de petit calibre. Celles-ci véhiculent des informations ayant une grande résolution spatiale mais une résolution temporelle médiocre. C’est la raison pour laquelle ces fibres servent principalement à transporter des informations concernant la vision fine, la vision des détails (acuité visuelle) ainsi que la sensibilité aux contrastes. Ces deux paramètres de la vision sont donc fortement altérés avec un effondrement de l’acuité visuelle et une diminution de la perception à faible contraste. De plus, ces fibres de petit calibre sont principalement localisées dans la partie centrale du nerf optique puisqu’elles acheminent les informations détectées par la région maculaire. Les mécanismes physio-pathogéniques permettant d’expliquer l’altération prédominante de ce contingent restent mal connus. Il a été évoqué la plus grande consommation énergétique de ces fibres par rapport aux cellules du nerf optique. Mais, cette explication est discutée et ces mécanismes ne sont peut être pas univoques. L’atteinte de ces fibres de petit diamètre rend bien compte de la symptomatologie : une baisse d’acuité visuelle (profonde dans la neuropathie optique de Leber et plus ou moins progressive dans la maladie de Kjer) et la présence d’un scotome central de taille variable.

3- Champ visuel périphérique :

Les autres contingents de fibres du nerf optique étant mieux préservés, le retentissement fonctionnel est moindre au niveau du champ visuel périphérique qui est moins altéré que le champ visuel central. En effet, ces contingents véhiculent les informations venant de cellules situées au niveau de la rétine périphérique. Mais, au niveau de la rétine périphérique la densité en cônes est plus faible que dans la région maculaire. Ce sont surtout les bâtonnets qui sont retrouvés à ce niveau rétinien. Ces cellules photoréceptrices ont des champs récepteurs larges et nécessitent une ambiance lumineuse peu importante. De plus, les fibres M transportant les informations visuelles « périphériques » ont une haute résolution temporelle mais une résolution spatiale médiocre. Ces fibres sont plutôt dédiées à transporter des informations concernant les formes « grossières » des objets et la notion de mouvement et de vitesse des objets.
La préservation du champ visuel périphérique et de la notion de mouvement permet la déambulation sans aide (canne blanche, chien guide, ….) surtout dans les lieux connus. En effet, les obstacles sont perçus, même s’ils ne sont pas toujours identifiés clairement, au moins au début de la maladie. Il ne faut pas oublier que ce champ visuel périphérique est normalement utilisé comme champ d’alerte : lorsqu’un objet inattendu y est perçu, le regard se porte vers cet objet pour l’identifier avec les photorécepteurs de la région maculaire. La rééducation « basse vision » et l’habitude permettent généralement d’améliorer cette déambulation en apprenant à mieux repérer les particularités du terrain sur lequel on se déplace et ce qui s’y rencontre.
Nous reverrons que d’autres facteurs visuels sont également importants à prendre en compte pour comprendre les capacités de déplacement des patients porteurs de neuropathie optique héréditaire.

4- Sens chromatique :

Pour des raisons identiques, le sens chromatique (vision colorée) est plus ou moins perturbé lors des neuropathies optiques. Lors de la neuropathie optique de Leber, il survient une dyschromatopsie qui aboutit au départ à des confusions entre le vert et le rouge (axe « rouge-vert »). Ces deux couleurs (ou plutôt longueurs d’onde) sont analysées par un même ensemble de cellules rétiniennes (cônes L et M et cellules bipolaires à centre « rouge » / périphérie « vert » ou l’inverse) puis transmises par des fibres optiques spécifiques du sens chromatique. Cependant, il est indispensable d’avoir un certain niveau d’acuité visuelle pour pouvoir percevoir normalement les différentes teintes. C’est pourquoi, il apparaît rapidement une « dyschromatopsie complète », dite sans axe, dès lors que l’acuité visuelle s’effondre.

Il faut noter qu’au cours de la neuropathie optique de Kjer, l’atteinte du sens coloré porte initialement sur les longueurs d’ondes correspondant aux couleurs bleues et jaunes. Cet axe de dyschromatopsie « bleu-jaune » constitue un bon argument diagnostic de cette forme de neuropathie optique.

II- Perception visuelle au cours de la neuropathie optique de Leber :

1- L’acuité visuelle :

Lors des neuropathies optiques de Leber, l’acuité visuelle chute vers 1/80 à 1/100 puis remonte entre 1/40 et 1/80 après quelques mois. Mais, il persiste un scotome central absolu plus ou moins étendu et un scotome relatif sur sa périphérie. C’est la raison pour laquelle il faut utiliser un regard excentré pour percevoir avec une « néo macula » qui se développe au bord du scotome. Une même zone para maculaire est utilisée pour chaque œil, et bien souvent, il existe un œil pour la vision de loin et/ou la vision de près. L’amélioration relative constatée dans les mois qui suivent l’installation de la maladie est en fait due à une excentration du regard plus performante.
Il n’existe habituellement pas de dégradation secondaire de l’acuité visuelle du fait de la neuropathie optique de Leber lorsque celle-ci est stabilisée. Cependant, la vision peut baisser avec l’âge du fait d’autres pathologies comme une cataracte. Par contre, il existe d’éventuelles améliorations franches de la vision, celles-ci pouvant remonter au-delà de 2/10 généralement 18 à 24 mois après l’installation de la maladie. Les raisons pour lesquelles de telles améliorations peuvent s’observer chez quelques patients uniquement ne sont pas encore élucidées. Il s’agit probablement de mécanismes « génétiques » complexes. Ils mettraient en jeu des protéines intervenant dans le fonctionnement mitochondrial et interagissant avec les produits des gènes muté lors de la neuropathie optique de Leber. Ces interactions varieraient d’un sujet à l’autre en fonction des différences normales de ces protéines, différences expliquant que nous ne soyons pas tous identiques les uns aux autres.
Si statistiquement, le pronostic visuel dépend de la mutation primaire de l’ADN mitochondrial, ces observations doivent être modulées au cas par cas avec chaque patient. Il arrive que des récupérations soient observées en présence de la mutation 11778, soi-disant de pronostic médiocre alors que des patients ayant une mutation 3460, dite moins sévère, ne connaissent jamais d’amélioration de leur vision. Il faut donc accorder une valeur « limitée » à ces statistiques qui ne sont valables que pour de grandes séries de patients.

2- Sensation de fluctuation de l’acuité visuelle :

Habituellement, il n’est pas observé de modifications secondaires, et notamment d’aggravation de l’acuité visuelle lorsque celle-ci s’est stabilisée. Par contre, il existe volontiers des fluctuations de la vision observables sur des périodes de quelques jours. Ces fluctuations peuvent être expliquées par différents phénomènes.

a- Il y a, d’une part, les phénomènes de fatigue. La vision est un mécanisme nécessitant une bonne attention. Tout fléchissement de cette dernière aboutit à une altération des capacités visuelles du fait d’une excentration moins performante, d’une moindre sensibilité rétinienne paracentrale, d’une diminution de l’aptitude à explorer la scène visuelle, de difficultés à reconnaitre des lettres / objets uniquement aperçus …. Il faut comparer cette situation de fatigue à un ordinateur fonctionnant lentement. L’altération des capacités visuelles due à la fatigue est particulièrement bien mise en évidence sur le relevé du champ visuel qui est alors plus perturbé qu’en période de repos.
Il faut noter que ce fléchissement de la vision à la fatigue existe également chez des personnes non malades. Mais, il est nettement moins perceptible. Il est rare dans la vie de tous les jours d’avoir à utiliser au maximum ses capacités de détection et exploration de l’espace (ou des tests d’acuité). Il existe ainsi une certaine « réserve de vision » et le fléchissement de la vision à la fatigue porte principalement sur les capacités à extrapoler les lettres / objets vues mais non parfaitement reconnus et sur la sensibilité rétinienne mesurée au champ visuel.

b- L’altération de la sensibilité aux contrastes constitue un autre phénomène permettant de rendre compte des variations de l’acuité visuelle en cas de neuropathie optique. Du fait de l’atteinte des fibres de petit calibre, il existe une diminution de la perception visuelle à faibles contrastes. Les objets sont mieux perçus lorsqu’ils présentés à contraste maximal, c’est à dire lorsqu’ils sont noirs et présentés sur fond blanc. Or, dans la vie courante, ce contraste varie en fonction de l’ambiance lumineuse. Ainsi, par temps de brouillard ou de neige le contraste est très faible.
La notion de contraste est largement prise en compte pour déterminer les caractéristiques que doivent avoir la signalétique informant les personnes handicapées visuelles des dangers sur la voie publique. Mais, il ne faut pas oublier que ces caractéristiques varient selon les pathologies (neuro)-ophtalmologiques !

III- Quelques remarques :

1- Certaines formes spécifiques de gènes interagissant avec les mitochondries se comportent sans doute comme des facteurs protecteurs ou, à l’inverse, facilitateurs. Un tel mécanisme est évoqué, avec un gène situé sur le chromosome X, pour rendre compte de la prédominance masculine de la maladie et nous l’avons déjà rencontré pour expliquer les récupérations observées chez certains patients. Ainsi, tout patient « porteur sain » d’une mutation de l’ADN mitochondrial ne développera pas systématiquement la maladie.

2- Pathologies associées : Il a été décrit des associations entre la neuropathie optique de Leber et des troubles cardiaques, des anomalies musculaires ou neurologiques. De telles associations sont extrêmement rares. Les anomalies cardiaques préexisteraient à l’apparition de la neuropathie optique de Leber et peuvent être détectées par un examen simple, l’ECG. Les manifestations neurologiques sont rares et, dans la grande majorité des cas, elles restent infracliniques.