Visuel NOH de Leber écrit en blanc sur fond noir.

Voici le résumé d’une étude portée par Lissa Poincenot, présidente de l’association de lutte contre la N.O.H. de Leber anglophone. Le Dr. Stéphane Chavanas, adhérent de l’association, et nouveau membre de notre Comité médico-scientifique a traduit et résumé cette étude. Le Dr. Christophe Orssaud a apporté son expertise sur la Neuropathie Optique Héréditaire de Leber en effectuant une relecture de cet article.

Etude de la neuropathie optique de Leber chez 1500 sujets : éclairage nouveau sur l’expression de la LHON chez les femmes.

Le travail de Lissa Poincenot et ses collaborateurs de Los Angeles et Ottawa est sous presse dans la revue Ophthalmology (https://doi.org/10.1016/j.ophtha.2019.11.014).

Il est intitulé: « Demographics of a Large International Population of Patients Affected by Leber’s Hereditary Optic Neuropathy« .

L’originalité de cette étude est d’être basée sur la consultation directe à grande échelle par internet de nombreux patients atteints de LHON, leur permettant de fournir des informations sur leur pathologie, son évolution et son historique. Les auteurs ont veillé à ne prendre en compte que les sujets pour lesquels la mutation primaire a été identifiée, et figure parmi les trois mutations causatives reconnues dans presque tous les cas de LHON. C’est ainsi plus de 1500 cas qui sont étudiés ici, ce qui fait que cette analyse repose sur le grand effectif de patients atteints de LHON à ce jour.

L’une des questions-clé posées par la LHON est de comprendre pourquoi il y a bien d’avantage d’hommes atteints que de femmes : on considère habituellement que 5 hommes sont malades pour 1 femme. Un tel biais dû au sexe n’est pas exceptionnel : il se rencontre aussi dans d’autres maladies, ainsi que dans la réponse immunitaire. Mais il reste inexpliqué pour la LHON, à l’exception de la présence d’un facteur de sévérité sur le chromosome sexuel X. Que nous enseigne la présente étude de ce point de vue ?

Dans la population de patients étudiés, pour chacune des 3 mutations, trois quarts des patient atteints sont des hommes, et un quart sont des femmes.  Les 3 mutations se répartissent équitablement chez les deux sexes : deux tiers des sujets sont porteurs de la mutation 11778, les mutations 14484 et 3460 se répartissant équitablement le tiers restant ; mais le plus important est que cette répartition est similaire chez les hommes et chez les femmes. L’ensemble de ces résultats montrent que ni l’une ni l’autre des trois mutations ne favorise à elle seule et plus qu’une autre l’expression de la maladie chez les hommes plutôt que chez les femmes.

Par ailleurs, les auteurs observent que la maladie se déclenche plus tard chez les femmes que chez les hommes (environ 30 ans chez les premières, contre autour de 20 ans chez les derniers) pour les porteurs des mutations 11778 et 3460. Pour la mutation 14484, aucune différence n’est observée entre patients et patientes. L’étude montre aussi que la maladie peut se déclencher à peu près à tous les âges de la vie d’une femme, avec un risque plus élevé entre 20 et 50 ans. Au contraire, chez les hommes, la maladie a beaucoup plus de probabilité de se déclencher entre 15 et 25 ans.

L’information la plus inattendue de cette étude est que trois hommes sont atteints pour une femme. Ce rapport est bien différent du rapport de cinq hommes contre une femme habituellement observé. De surcroit, les auteurs observent même que le rapport des patients qui débutent la maladie avant 5 ans ou après 45 ans est de 1/1. En d’autres termes, dans ces tranches d’âge, une femme n’aurait pas moins de risque qu’un homme de déclencher la LHON. Or, comme le précisent les auteurs, dans la tranche d’âge de 5 à 45 ans, le risque de développer la maladie est plus faible chez la femme et cette tranche d’âge correspond à la production d’œstrogènes. Ces derniers joueraient-ils un rôle protecteur ?

« Cinq contre une » ou « trois contre une », qui croire ? Cette question n’a pas de réponse car toutes les études ne mesurent pas la même chose. Il y a de nombreuses différences méthodologiques entre les études passées et celle-ci. Les premières sont basées sur les patients suivis en milieu spécialisé et dépendent de la décision des cliniciens de présenter leurs patients dans un article spécialisé. A l’inverse, l’étude présente est basée sur une consultation directe par internet et dépend de l’autoévaluation des patients. D’ailleurs, elle ne prend en compte aucun critère de sévérité. Enfin, par nature, elle se base essentiellement sur une population anglo-saxonne qui utilise internet et les réseaux « sociaux ».

Quoiqu’il en soit, l’étude de Poincenot et ses collaborateurs apporte un éclairage nouveau sur la LHON, en suggérant que le nombre de femmes atteintes a pu être sous-estimé jusqu’à présent, et que l’âge comme le sexe sont étroitement liés dans le déclenchement de la maladie.

Nos chaleureux remerciements à notre amie Lissa Poincenot pour ce travail d’envergure et des mercis tout aussi chaleureux aux Dr. Stéphane Chavanas et Christophe Orssaud.